mercredi 2 décembre 2020

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 Liberté

Ce jour-là, j’ai senti qu’il se passait quelque chose et ma vie s’en est sans doute trouvée un peu changée.
Au départ, rien ne laissait augurer que ce voyage serait différent des précédents. J’étais partie comme de coutume, nez au vent, avec une envie de découvrir, de me laisser porter au gré des évènements.
Comme de coutume, j’avais établi un itinéraire avec soin. Prendre à droite en sortant pour retrouver rapidement les bords du lac, terrain facile qui permet aux foulées de s’allonger sans même y penser. Obliquer ensuite pour retrouver les sentiers moussus sous les chênes centenaires, le demi jour qui y règne donnant le champ libre à toutes les fantasmagories.
Au sortir de la forêt, laisser le regard se porter sur ces parcelles multiples, ces morceaux de terre qui tissent une histoire.
Éviter de rentrer dans le village en empruntant ce fameux raidillon qui fait le souffle court et les mollets tendus.
Redescendre ensuite dans les herbes hautes pour retrouver la rivière qui coule à grands fracas joyeux.
Enfin prendre le chemin du retour, se blottir au chaud et fermer les yeux pour mieux savourer cette cueillette de sensations multicolores et odorantes.
Oui, c’est bien ainsi que j’envisageai cette belle matinée. J’ai pour une fois scrupuleusement respecté le trajet que je m’étais fixé !
Mais tout peut arriver à n’importe qui, n’importe quand.
Ce matin-là, mes préoccupations du quotidien s’envolèrent aux premiers pas et des mots vinrent se poser dans ma tête en un joyeux capharnaüm ! Apparemment sans logique, sans queue ni tête, sans tambour ni trompette !
De l’huile de camphre et un grand morne, un ciel bleu lavande qui résonne du cri des cagous huppés, le son des roses qui éclosent…. Chaque nouveau détour de ce chemin pourtant connu hébergeait des mots nouveaux ou oubliés, hétéroclites, épatants et ébouriffants ! Toute enivrée de cette collecte, je ne voyais plus ni les parcelles ni la rivière mais les mots qu’elles faisaient naitre.
C’est au pas de charge, en courant presque que je rentrais. Vite, au plus vite, déposer tous ces trésors sur le papier, laisser les mots s’organiser et négocier en liberté.
Ce jour-là s’est ouvert mon voyage en écriture. Marcher, sortir, pédaler, humer, regarder, et puis rentrer et par une étrange alchimie, écrire, écrire…