mercredi 29 juin 2022

La boite, notre boite

 

C’est ensemble que nous l’avons choisie, à moins qu’elle ne nous ait choisis ! Un après‑midi de nonchalance, déambulant au hasard des ruelles de la vieille ville, nous laissions nos pas nous mener, au gré des ombres reposantes.

Ni l’un ni l’autre n’avions jusqu’à lors eu l’occasion d’entrer dans cette boutique à la façade d’un bleu lavande défraichi. Pourquoi cette fois-là ? Il est des hasards qu’il convient de prendre pour ce qu’ils sont !
Dès l’entrée, sans nous concerter une seconde, l’évidence nous a saisis :
-         - Tu as vu cette…
-         - … boite, elle est, elle est..
L’achat réglé, nous sommes ressortis, la tenant précautionneusement. Ce sera notre boite, la nôtre, la seule, l’unique !
Minuscule, mais assez grande pour nos trésors les plus précieux : un mot, une menue brindille, un papier à cigarettes, roulé très fin, sur lequel est inscrite une étonnante maxime : « Les chevaux peints se sentiront libres de correspondre à ce que bon leur semble ! »
Depuis ce jour, nous échangeons la boite à tour de rôle, lestée du dernier trésor trouvé, que nous offrons comme cadeau, gage de notre amitié.

Kétala :

Moi, boite délicate, je suis l’écrin de l’amitié de ces deux-là, messagère de leurs émotions partagées.

 

Rideau !

C’est l’effervescence ! Les couloirs résonnent d’interpellations et de rires, de quelques insultes et autres noms d’oiseaux, aussi. Ils sont envahis de flots impétueux qui se ruent vers la sortie, avant de remonter d’un pas quasi sénatorial.

On s’invective, se jure mille choses, pleure ou chante.
Allons vite, les derniers préparatifs en vue du spectacle, des morceaux de décors gisent ici ou là, pauvres choses échouées dans un coin. Un groupe s’avance d’un pas décidé ! Il faut aller chercher les costumes, pour l'ultime répétition.
En passant devant les portes ouvertes, on entend parler cosinus ou hypoténuse, commentaire argumenté, registres de langues, bloc de l’ouest, bloc de l’est…. Tout cela se mélange en un brouhaha dense.
Un peu plus loin, un drame se noue ! On a perdu la feuille avec le joli texte qu’on avait écrit et répété. On le cherche, jusque dans des lieux plus ou moins improbables… dans l’armoire, sous le bureau…. Quelques rêveurs scrutent le ciel, dans l’espoir étonnant de voir le précieux document venir se poser sur le bord de la fenêtre.
Dans la cour, on papote ou on joue, on parle moyenne générale ou dernier jeu vidéo.
La sonnerie, encore. Cette fois, c’est la libération jusqu’à demain matin.
On va prendre le car, tout en cherchant encore tout de même ce papier. Sait-on jamais, il aura peut-être été glissé dans un sac par erreur, ou par malveillance.
Ce soir, pour certains, c’est le grand soir ! Ils montent sur scène, pour quelques-uns pour la première fois. Les autres jouent les blasés, font ceux qui savent, même si leur voix chevrote un peu, par moments !
Le lendemain, on commente, on analyse, on se sent fier, on flotte même au-dessus du sol ! On est las, on a peu dormi, l’excitation a eu du mal à retomber. On se sent tout chose aussi d’avoir vu les yeux humides des parents ! On est entré dans la cour des grands !
Dans la salle de musique, rien ne va plus ! Le texte, cette fois, on est sûr, le texte est perdu ! Et bien tant pis, on fera sans ! On sait bien de quoi ça parle, d’amour, d’amitié, et de l’école aussi, un peu. Les uns et les autres petit à petit retrouvent des bouts de phrases, les mots se remettent dans l’ordre, on change un peu ici et là. Tiens, finalement, c’est bien aussi, comme ça.
Des spectateurs arrivent, le prof donne le la, on se concentre, on tremble un peu, on inspire et tout s’envole ! Le sol tremble des pieds qui battent la cadence, Les applaudissements fusent, c’est le succès.
On en oublierait presque la sonnerie, la dernière avant très longtemps ! Le troupeau se précipite, la meute est lâchée ! Une clameur unanime consacre ce moment avec toute l’ampleur requise.
Le silence est revenu sous le vieux préau désert. Seul un léger claquement, irrégulier, mais persistant, se fait entendre. Un bout de papier, retenu à peine au coin par une punaise dorée, avec une jolie écriture et des mots en couleurs qui parlent d’amour et d’amitié, de la vie, et de l’école, aussi un peu.