samedi 16 octobre 2021

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M -

Migrations…

Le violoncelle me prend et m’emmène. Je me laisse bercer, emporter. Me reviennent ces années d’étudiante. Je me revois dans ma modeste chambre qui m’était un royaume. J’y passais mes week-ends, et une bonne partie de mes vacances aussi.
C’étaient mes premiers pas d’adulte autonome, avec 3 francs six sous en poche. C’étaient les poulets à 12 francs, cuisinés à la congolaise, avec application, cuits pendant des heures et mangés à 3 heures de l’après-midi ! Dans ces grandes occasions, nous refaisions l’aménagement des chambres, le mobilier passant aisément de l’une à l’autre, pour fabriquer une grande tablée.
Nous étions souvent les seuls résidents de l’étage, les autres étudiants rentrés pour le weekend.
Une autre bande, toujours estudiantine, un peu plus tard. Les crêpes du dimanche soir cuites sur la plaque électrique clandestine, avec le pot de mauvaises confitures d’abricots, dévorées assises par terre, dans la chambre de l’une d’entre nous !
La vie était douce et allait de soi, pas d’inquiétude particulière sur l’avenir. Pas de blues du dimanche soir non plus. J’entendais les autres étudiants « migrants » hebdomadaires, rentrer, au rythme des arrivées de train. Je les croisais parfois, dans les couloirs, plus ou moins pâles et défaits. Ils avaient l’air de revenir au bagne, je ne les comprenais pas, j’étais « chez moi ».
Cette sensation ne m’a d’ailleurs jamais quittée. J’ai toujours été « chez moi », partout où j’ai habité, et le suis encore aujourd’hui, plus que jamais auparavant, sans doute !
Par les hasards de la vie, je suis à mon tour devenue « migrante plus ou moins hebdomadaire », mais je savoure avec un égal bonheur les départs et les retours. Je suis chez moi, là-bas, je suis chez moi, ici.

Soir ...

Le ruban d'asphalte s'étire nonchalamment sur le chemin du retour. Le soleil énorme et rond étincelle et pique les yeux, semblant redoubler de force, comme pour éviter l'échéance inéluctable de la fin de journée.

Il est l'heure de rentrer, l'heure de revenir, l'heure de fermer provisoirement la parenthèse, en douceur et sans mélancolie.
Demain, demain, demain les heures comptées et rythmées, les tâches à accomplir, les imprévus, les urgences, les activités, le monde foisonnant, parfois surprenant, passionnant tout autant que fatigant, souvent.
Mais là, pour un moment encore, alors que les kilomètres filent, savourer ce parcours, comme un sas, une transition, laisser infuser les sensations.

mercredi 6 octobre 2021

J'écris !


C’est souvent à la lueur diffuse et ambigüe des réverbères de la ville endormie, aux premières petites heures du jour nouveau encore à venir que je m’installe à mon grand bureau pour écrire, le dos bien calé dans mon fauteuil.
Je ne sais plus écrire à la main, mes ratures et autres lettres malformées me dérangent. Quand je serai grande, je ferai de la calligraphie pour y remédier !
Le clavier de mon ordinateur me satisfait d’avantage, ou plutôt me perturbe moins.
Je perçois le silence qui m’entoure et m’enveloppe malgré mon casque sur les oreilles. Je pars pour un voyage en liberté au son d’une playlist de musique classique, suffisamment fournie pour que je puisse me laisser surprendre, et assez connue pour y retrouver mes morceaux « Madeleine de Proust ».
Je laisse venir les mots et les sensations, les phrases se posent et s’organisent, « je » ne suis plus, « je » disparais, le texte est là, comme une entité indépendante. J’écris, j’écris, sans connaitre nécessairement la suite, sans avoir limpression de décider de quoi que ce soit finalement. Mes doigts vont tous seuls sur le clavier.
Puis le texte est là, terminé.
Après la dernière relecture, je lève les yeux de mon écran, c’est le point du jour. La ville se met en mouvements.
J’écris pour m’amuser, j’écris pour dire, j’écris pour faire le tri, j’écris pour m’oublier, j’écris pour devenir, j’écris.

Brumes....

La ville semble se recroqueviller sous les bourrasques. Le vent froid charrie des grains de sable qui viennent s’amasser au coin des rues. S’y mêlent des gouttes d’eau salée.
Les volets sont clos, aucune trace d’une quelconque activité humaine ! Personne !
Pourtant, émergeant peu à peu, deux silhouettes s’avancent d’un pas déterminé, presque avec enthousiasme ! Dans cet univers jaunâtre, à la lueur diffuse et ambigüe des réverbères, elles se rapprochent d’un pas si léger qu’elles semblent danser.
Les boucles d’oreilles de ces jeunes sirènes parviennent à capter des éclats de lumière, et envoient des signaux d’un parallélisme et une régularité déconcertants….
Et c’est lorsque mon oreiller glisse au sol que je me réveille, mon livre ouvert encore à la main. Je sourie et m’interroge sur cette étrange fantaisie ! Mon regard s’arrête soudain sur ma table de nuit. Je me fige :
Deux boucles d’oreilles inconnues, exactement symétriques, en forme de sirènes, brillent par intermittence….