Tout commence au petit matin. Le nez dans le bol de café, l’esprit
légèrement embrumé, le corps encore endolori des aventures de la veille. On parle
peu, on laisse la journée prendre place.
La douche chaude, très chaude. Les chaussettes, épaisses, qui n’éviteront
pas les ampoules pourtant. Le pantalon long qu’on troquera avec un short dans
la journée. Un T-shirt, un sweat, une veste. Au fil des heures, on s’épluchera
des épaisseurs superflues. Les chaussures, raides et lourdes au pied, de prime
abord.
La thermos de café, le nerf de la guerre, la gourde d’eau, le
chapeau. Sac au dos bien arrimé.
Premiers pas, départ
Mise en route, échauffement,
Liberté, bonheur.
Les conversations discrètes et anodines font la bande son. Le
bruit des herbes hautes couvertes de rosée, le ronronnement d’un tracteur au
loin, la terre qui fume aux premiers rayons de soleil. On quitte la petite route
gravillonnée pour prendre un sentier pentu. Une jolie grimpette pour se
dérouiller les muscles et les poumons. L’air qu’on expire forme de petits
nuages, il fait encore frais.
Au sommet, on se laisse aller à rêver devant le
panorama, quelques rires fusent, le monde est là. Le chemin sinueux nous pousse
à avancer vers de nouvelles découvertes. Les taillis qui le bordent recèlent
parfois de minuscules trésors au milieu des épines.
Brume
danse
Écureuil
roux agile
Feuilles
mouillées
On devine à travers les feuillages mordorés quelques toits du
hameau voisin. Le chemin bifurque et descend dans une clairière abritée. Un
ruisseau à peine visible la traverse. Gorgée de café odorant, bercée par son
chant ténu.
La pause terminée, on change d’univers. Se taire, se laisser
imprégner.
Sous-bois
solitaire
Craquements
secs, troncs moussus,
Monde
habité
Les muscles fonctionnent en autonomie, le pas souple et régulier,
l’esprit vagabonde. Le groupe s’organise et se recompose au rythme des foulées
de chacun. On papote, ou pas. S’offrir un moment de solitude choisi, se donner
la liberté de n’être que sensations.
Chaussures enlevées
Pique-nique sur les troncs couchés,
Bonheur des orteils
Repartir après la pause n’est pas chose facile, le corps se
croyait au repos. On revient à la civilisation, le plein ciel bleu retentit des
chants d’oiseaux, les insectes bourdonnent, c’est la vie discrète et omniprésente.
On se retourne au détour d’une côte pour relire l’itinéraire parcouru. Fatigue
confortable du voyage accompli.
Bleu du
soir tombant
Fraicheur
du jour achevé
Douce
chaleur d'un feu