mercredi 26 janvier 2022

Eksta, une demoiselle de l’est...

#IRemenber

Nous sommes nées le même siècle et pourtant à des années lumières l’une de l’autre. Je ne vous connais pas, mais je me souviens.

Je vous appelle Mademoiselle, votre trop courte existence vous ayant à jamais figée dans cette étape de votre vie.  Je regarde votre visage songeur et tente d’imaginer celle que vous pouviez être.
Vos parents se prénommaient Chaja-Gitla et Jacob. Vous aviez au moins un frère, Zygmunt, nous dit-on. Je veux croire que vous avez pu profiter un peu de la vie, que vous avez connu joies et fous rires. De quoi pouvait-on rêver, enfant, puis jeune fille à l’est de la Pologne d’avant la première guerre mondiale ? Vous espériez certainement la paix et la liberté ! Aimiez-vous lire, marcher, chanter et mille autres choses encore ?
Vous avez été étudiante à Jasło, mais je ne sais de quelles études il pouvait s’agir. Sur cette photo, vous semblez triste et sérieuse. Pouviez-vous alors envisager ce qui allait advenir ? Peut accepter d’imaginer le pire ? Est-il possible de concevoir jusqu’où la barbarie peut mener ?

Je ne vous connais pas, mais je me souviens.

Vous vous appelez Eksta Ehrenfreund, née en 1913. Assassinée par des fous barbares en 1942, au camp de Belzec, en Pologne. 

 Je ne vous connais pas, mais je ne vous oublierais pas, Mademoiselle. 

https://iremember.yadvashem.org/

...


 

mercredi 19 janvier 2022

Je vous souhaite...

Janvier, palpitant de couleurs et de senteurs épicées,

Le ciel infini étincelant de février,
En mars, les premiers traits de verdure timides à l’orée des sous-bois,
Avril, et ses mutins bouquets de violettes, piquetés çà et là, comme à la volée,
Un air encore frais et piquant de bord de mer, aux petits matins de mai.
Juin et ses flaques de soleil pour vous y alanguir,
Un bouquet d’artifice de sensations aux soirées sans fins en juillet,
L’ombre puissante et fraiche des grands arbres d’août, sur le lecteur assoupi,
Septembre et son vin léger qui tourne les têtes,
La douceur tranquille du ballet léger des feuilles fauves d’octobre,
En novembre, les vents furieux qui chassent les nuages de vos peines,
Pour décembre : des soyeuses écharpes de lumière.
 
Je vous souhaite enfin tout cela,
et puis l’aventure, 
et le nouveau, 
et encore la beauté, 
l’insolite et le rire…

R -

Réminiscence….

Arrivé en bas de la descente, le faisceau jaunâtre balaie les murs et soulève le voile d’obscurité qui retombe aussitôt. Des créatures chimériques semblent prendre vie de manière fugitive. Le froid du dehors cède la place à une atmosphère plus tempérée. Les traces du pic sur les murs disent la main de l'homme mais les parois épaisses gardent pour elles l'histoire du lieu.

L'oscillation tranquille de la lampe balaie d’un rayon aléatoire les barriques joufflues qui entrent ainsi en scène tour à tour. 
C’est un monde vaste et clos, sécurisant qui repousse hors de vue les quelques toiles d’araignées et autres autochtones de ce ventre de tuffeau.
Il fera bon quitter la fraicheur de la cave et renaitre au monde du dessus, guidé par ce trait de lumière.

Hiver...


 

Á la manière d'un kétala...

Moi, lampe de poche, j’ai guidé ses pas, dans les nuits venteuses et froides de novembre. Lorsqu’il traversait la petite cour, pour rentrer au chaud, au sortir de son atelier sous la valse légère des premiers flocons.

Mon orange rutilant s’est bien vite trouvé agrémenté de taches de peinture multicolore, jaillies de ses pinceaux généreux.
J’avais de multiples places attitrées au gré des circonstances. Posée à côté des clés derrière la porte, à la maison.
Ou sur le tabouret, un peu à l’écart de sa table de noyer foncée, au fond de l’atelier.
Mais aussi sur la vieille boite à gâteaux en fer blanc, pleine de bouts de tout et de rien, bric-à-brac inutile et tout aussi indispensable, au milieu des copeaux, les jours de menuiserie.
Et enfin, suspendue à mon crochet, à la cave, pour éclairer les premières dégustations du vin nouveau.
Je n’ai jamais eu la puissance de mes consœurs plus modernes, mais j’ai accompagné les aventures d’Émile au jour le jour, sans faillir, à ma place favorite, au creux de sa main burinée. Aujourd’hui encore, je suis là, toujours prête à prendre du service.
Et d'ailleurs, le soir venu, c'est bien ma lumière qui luit sur les pavés de la venelle, à la fin des soirées mauves d'été, au  moment de raccompagner la petite Julie, ivre de fatigue d'avoir parcouru les chemins avec Noisette.