Même le ventilo n’y croyait plus ! Ses pales indolentes semblaient au bout de leur vie, ne parvenant qu’à grand peine à déplacer des bouffées d’air chaud ! Il soupira, claqua la porte. Dans la rue, les pieds des lampadaires éteints craquaient en se rétractant sous l’effet d’une vague fraîcheur matinale. Les jours avaient déjà raccourci en ce tout début d’été mais la touffeur ambiante les rendait interminables et ce petit matin n’annonçait rien de mieux !
Il enfourcha son vélo, et s’enfonça dans les petites rues étroites de la vieille ville. Un chat, noctambule en chasse, le regarda passer d’un air goguenard ! Il n’y a pas d’heure pour les braves !
En entrant, il interrogea son vis-à-vis du regard ! Ce dernier hocha la tête et lui indiqua d’un haussement d’épaules las le fond du couloir. Des voix s’élevaient, sans passion. La traque vaine usait les énergies et calmait les plus ardents ! Déjà quatre meurtres en 6 semaines sous les parasols ! Le maire ne dormait plus, les médias se refaisaient le film, encore et toujours plus, la ville entière échafaudait des théories, on savait des choses, on vilipendait la police qui ne faisait rien… bref, une armée entière de Nestor Burma ou d’inspecteurs Maigret, au choix des lecture de chacun !
Et pourtant, rien ! Aucun indice, aucun message anonyme, pas de silhouette louche, entrevue au carrefour ! La vidéo surveillance ne montrait rien d’autres que les images ordinaires des touristes écarlates de retour de la plage ! La seule information était le nombre de glaces consommées dans l’espoir sitôt déçu de se rafraichir un peu !
Ce matin-là, on venait de découvrir une nouvelle victime, installée comme les autres, avec un air détendu et apaisé, sur un des transats de la plage de l’hôtel ! Détendue, apaisée mais … tout à fait décédée !
C’en était trop ! Cette fois, le préfet avait alerté en haut lieu, on vit bientôt les gyrophares clignoter de leur plus beau bleu, suivis des cars-régies des médias nationaux. On annonça l’arrivée en hélicoptère du ministre de l’intérieur ! Les touristes en short, d’abord contrariés de tous ces embouteillages qui perturbaient leur routine estivale, furent bientôt ravis de se voir interviewés tant et plus ! Bien sûr, on n’avait rien à raconter, mais on se faisait un devoir d’honnête citoyen de le dire tout de même !
A l’abri des regards, depuis la fenêtre de son bureau, il observait cette agitation stérile et épuisante ! Le coupable était-il là, se délectant de sa popularité anonyme ? A quand le prochain meurtre, pourquoi ne trouvait-on rien ?
Le ministre s’envola comme il était arrivé, après des paroles fortes et des coups de menton tout à fait décisifs ! On n’en resterait pas là, des mesures seraient prises. Les médias, après quelques jours, n’ayant plus personne à interviewer, gavés de glace et des discours de pseudos témoins qui s’étaient découverts une nouvelle vocation, partirent bientôt vers d’autres évènements croustillants et non moins sensationnels !
La torpeur reprit sa place dans les conversations, il n’y eut plus de nouvelles découvertes, les estivants reprirent la route, furent remplacés par d’autres que l’on se fit un plaisir de mettre au courant, avec l’air de ceux qui savent. Lors de la vague suivante d’arrivants, on en parlait déjà moins, ou juste par allusions. A la fin de l’été, c’était déjà de l’histoire ancienne. Les autochtones avaient retrouvé leur quant-à-soi et leurs sujets de saison : la rentrée, le poids des cartables, la nouvelle institutrice, qu’on ne connaissait pas et qui arrivait d’on ne sait où….
Tous les jours de la semaine, il reprenait son vélo, au petit matin. Lui n’avait pas oublié, ni rangé cette tragique histoire au rang des faits divers. Tout en gérant les affaires courantes, il continuait d’observer et d’analyser, de tenter de comprendre et de trouver le fin mot de l’histoire ! Il se l’était juré, il le devait aux disparus ! Un jour, il ferait la lumière sur cette affaire !