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Soirée de veillée d’armes, les ballots de pailles entrent demain dans Paris ! Il me vient une pensée tendre pour cet autre, parti depuis bien longtemps déjà.
Je ne me souviens pas de l’avoir entendu se revendiquer
paysan, ni même viticulteur, ce qu’il était de profession.
Nul besoin d’étiquette, sa vie entière était dédiée à l’élevage du vin, jusqu’à la passion ! Son exploitation était immense de ….douze rangs de vigne, enclavés entre les domaines voisins. L’essentiel de son temps de travail était consacré à faire fructifier la vigne d’un autre.
Son bureau, les modestes coteaux du Saumurois, coiffés
çà et là de petits bois. En toutes saisons, brodequins de cuir aux pieds, il
partait arpenter, relever, tailler, regarder, surveiller. Les orages de grêle,
les soirs de fin d’été, faisait monter la tension. On était anxieux, pas uniquement
pour soi, mais pour toutes les parcelles du secteur. C’était le bilan d’une
année qui se jouait là.
Il faisait bon aussi dans la cave de tuffeau, se cacher
derrière les barriques, lorsque le temps était venu de souffrer ou de tirer le
vin.
L’apothéose à l’automne bien sûr, avec en point d’orgue
la vendange des douze rangs. La date retenue était choisie avec soin, les
cousins débarquaient, on passait la journée dehors, sécateurs à la main, quand
on était assez grands. Pas d’Equipements Individuels de Sécurité, on avait
appris à faire attention, voilà tout ! On avait mal au dos, mais nul n’aurait
pas songé à se plaindre, trop occupés d’ailleurs à se colorer la bouche de
violet ! Il fallait le faire, et c’était la fête ! Nous n’aurions d’ailleurs
cédé notre place à nul autre !
L’arrivée de l’Appellation a fait bouger les lignes,
un peu ! Les rues se sont ornées de hauts piliers carrés, faits de pierres
de taille. On n'allait plus chez X ou chez Y, on allait au Domaine de ceci ou de
cela.
Fier de son métier, il l’était, au-delà du raisonnable
peut-être. Il vivait en viticulture, comme d’autres en religion. Cette passion
n’avait comme égale que celle de sa soif de lire, de lire encore et d’apprendre.
Je le revoie les soirs d’hiver, plongé dans le gros Larousse, ou bien encore
dans le Dictionnaire du Monde Rural, mine d’or de ces mots et expressions dont
il était friand.
Alors ce soir, même si les choses n’ont pas toujours
été simples, je lui fais un clin d’œil !
Oui papa, tu avais bien raison, quoi de meilleur qu’un
verre de Saumur Champigny, un bon pain et un chèvre cendré !