dimanche 9 janvier 2022

Une fable ....

La basse-cour est en ébullition ! Le toit du poulailler, déjà en bien piteux état, menace ruine !  Il faut agir, évidemment !

Certains continuent pourtant sans faiblir leur brave métier de volatile, considérant sans doute que là est leur place. Picore ici, picore là… tiens une fuite, picorons un peu plus loin !
D’autres encore, ayant levé les yeux, plus conscients sans doute du danger, cessent pour un instant de picorer et s’interrogent. Agir, oui sans doute, mais où, quand et comment ? Après quelques palabres, il est résolu de cesser de picorer … provisoirement et …ultérieurement ! C’est décidé, le jour de la Grande Grève du Picorage est arrêté ! En attendant, chacun retourne à ses activités.
Un volatile pourtant se distingue. Il habite au tout dernier étage du poulailler, et semble estimer que cela lui confère assurément une sagesse plus grande ! Nous l’appellerons donc le Volatile Supérieur, même si cette sagesse auto-proclamée parait questionnable au vu des agissements dudit volatile !
Il n’est pas rare, en effet, lorsqu’il daigne honorer le poulailler de sa trop exceptionnelle présence, de voir le volatile, s’exclamer, protester, s’indigner : « Nous ne pouvons plus picorer dans ces conditions, c’est insupportable ! Je suis épuisé, je n’en puis plus, ayant picoré jusque fort avant dans la nuit ! Luttons tous ensemble contre le Grand Complot ! » Il faut ici expliquer que ce volatile, sans doute assez peu surmené malgré ses affirmations, passe la majeure partie de son temps à imaginer le poulailler et le monde victimes de moultes conspirations !
Le Volatile Supérieur a également pour lassante habitude d’inonder le poulailler de pamphlets et causeries interminables sur tous les thèmes et les sujets ! Quelques esprits caustiques ne manquent d’ailleurs pas d’observer que le temps consacré à ces rédactions serait probablement plus utilement mis à profit pour accomplir sa part de picorage, comme tout un chacun !
Le « Don-Quichottesque » Volatile Supérieur est d’ailleurs si occupé à mener guerres et combats contre de chimériques moulins qu’il ne perçoit pas l’indifférence et l’ignorance dans laquelle le tient une part toujours plus grande de son potentiel auditoire ! Ses libelles n’encouragent pas non plus à la lecture, tant les propos tenus y sont fumeux, faux ou incompréhensibles.
Malheureux celui qui tente de lui faire entendre raison ! Un jour, l’un de ses congénères, lassé sans doute de ces péroraisons et autre défis à la raison, tenta de l’amener à plus de mesure et de réflexion. L’outrecuidant se vit incontinent condamné en public à la potence, prié de se taire, au motif bien évident que seul le volatile supérieur détient la vérité, fondée sur une observation minutieuse et éclairée, d’une vingtaine de minutes, curieusement placée sur un temps en principe dévolu au picorage !
L’issue de cette fable n’est pas encore connue. Il parait cependant probable que le toit dudit poulailler finira bien par s’effondrer effectivement, tandis que le Volatile Supérieur, pourtant tombé de son piédestal, persistera longtemps encore dans sa course aussi éperdue que sans but, tel un canard sans tête !
Une vision optimiste voudrait que les volatiles finissent enfin par prendre le temps du recul nécessaire et lèvent le bec un plus haut que leurs graines !
 
Il revient au lecteur d’imaginer la suite.

Une morale cependant :

« Tel qui montre un chemin vers le salut, comme seul et unique,

se place bien souvent comme but d’icelui ! »