jeudi 5 mars 2020

Les amandiers d'Anatolie

Sous la nuit étoilée, le vieux berger des hauts plateaux d'Anatolie souriait. Les premiers chevreaux de l'année venaient de naître et leurs bêlements encore frêles l'embarquaient dans une paisible songerie. 
Son visage parcheminé tanné par le vent et la pluie, s'illuminait au souvenir des saisons à parcourir la steppe. Les vagues immenses des hautes herbes courbées par le vent, l'air soudain moins froid du petit matin, annonciateur du printemps.
Dans la vallée, les champs d'amandiers se couvriraient bientôt de fleurs, autant de douceurs à venir. 
Vieux, le vieux Souleymane l'avait d'une certaine manière toujours été.
A la fureur de la vie trépidante des villes, il avait toujours préféré la paix et le silence des lieux écartés. Son bonheur n'était pas d'amasser davantage, mais de vivre avec ce qu'il avait et d'en rester le premier émerveillé. 
Il regardait tranquillement s'agiter le monde et se sentait riche de cette paix intérieure. Il ne possédait rien d'autre que sa vie et cela le rendait infiniment heureux.