Sous la nuit étoilée, le vieux berger des
hauts plateaux d'Anatolie souriait. Les premiers chevreaux de l'année venaient
de naître et leurs bêlements encore frêles l'embarquaient dans une paisible
songerie.
Son visage parcheminé tanné par le vent et la pluie, s'illuminait au souvenir des saisons à parcourir la
steppe. Les vagues immenses des hautes herbes courbées par le vent, l'air
soudain moins froid du petit matin, annonciateur du printemps.
Dans la vallée, les champs d'amandiers se
couvriraient bientôt de fleurs, autant de douceurs à venir.
Vieux, le vieux Souleymane l'avait d'une
certaine manière toujours été.
A la fureur de la vie trépidante des
villes, il avait toujours préféré la paix et le silence des lieux écartés. Son
bonheur n'était pas d'amasser davantage, mais de vivre avec ce qu'il avait et
d'en rester le premier émerveillé.
Il regardait tranquillement s'agiter le
monde et se sentait riche de cette paix intérieure. Il ne possédait rien
d'autre que sa vie et cela le rendait infiniment heureux.