Bercée autant qu’agacée par le souffle de vent tiède, Justine,
réfugiée sur un banc à l’écart, ne pense à rien. Ou plutôt laisse venir les
pensées les plus saugrenues :
…La lune serait habitée, les noctambules amoureux choisiraient des
bancs plus secrets, au fond des bosquets !...
Cet élan de poésie incertaine est interrompu soudain par une
exclamation :
- Papa, Charles est monté sur la table !
…Charles, tiens, voilà un joli prénom !
Ai-je connu un Charles ?
Non, à part celui d’Angleterre, dont je ne peux d’ailleurs pas
légitimement dire que je l’ai connu !
En revanche, des gens qui montent sur les tables, si ! Moi la première d’ailleurs, rarement pour attirer l’attention. Gamine, parfois, quand on m’y invitait, pour réciter des poésies lors des réunions de familles, ou beaucoup plus récemment pour raccrocher les rideaux. Ce qui d’ailleurs n’était pas l’idée la plus brillante de la décennie et me vaut d’être là aujourd’hui !
J’aime bien les bancs d’ordinaire, mais plutôt quand je les
choisis. Beaucoup moins ceux sur lesquels viennent échouer les éclopés, sous
les arbres anémiques du parc de l’hôpital !
Justine se gourmande ! Allons, rien ne sert de s’énerver. Plus que quelques minutes à attendre le taxi pour rentrer.
Cette fois, juré, promis, sitôt le plâtre enlevé, j’achète un
escabeau !