La pluie frappe aux carreaux. Dans la petite cour, les branches nues du savonnier dansent au rythme des bourrasques. Bien au chaud, dans la cuisine de la maison blottie au fond de la venelle, on s’affaire.
Perchée sur sa chaise, Julie, alias Coquelicot, pour une fois,
ne dit mot. Elle semble fascinée par le travail expert des mains couvertes de
farine. Elle est si concentrée qu’elle en oublie même de chantonner !
Émile, lui non plus ne dit rien. Les paroles ne semblent pas
utiles. Il observe du coin de l’œil la petite fille et songe. Depuis longtemps,
ses mains n’ont plus besoin de guide et connaissent leur métier. Elles
pétrissent la pâte avec fermeté et souplesse.
C’est bientôt le tour de Julie. Émile l’aide
à fariner le rouleau, et n’oublie pas, comme par inadvertance, de lui poser un
peu de farine sur le bout du nez. Comme d’habitude, le coquelicot râle, pour la
forme ! « Oh, ben non, arrête ! » Émile prend un air
contrit, mais il a l’œil qui frise !
Et tous les deux éclatent de rire !
Dans l’entrée, Noisette se redresse et penche la tête, ce qui
invariablement annonce l’arrivée de Marie Séraphine !
Pendant que le four chauffe, Émile et le coquelicot épluchent
les pommes. Il s’agit de s’appliquer pour la découpe. Il faut que les tranches
soient fines, fines, fines ! Et bien rangées !
Marie Séraphine dépose son ciré mauve dans le couloir et entre,
apportant du même coup un peu du froid du dehors ! C’est peu de dire qu’elle
a les joues fraiches ! il faut dire que par tous les temps, Marie Séraphine
ne circule que sur son vélo !
Il est temps de mettre la tarte au four, après l’avoir très légèrement
parfumée de cannelle. Juste un soupçon, pour le parfum d’exotisme. Julie sort cérémonieusement
les petites assiettes pour un peu plus tard.
Marie Séraphine, le vieil Émile et le coquelicot s’installent au
coin de la fenêtre. En attendant que la tarte soit cuite, on discute, on raconte,
on imagine !
« Par contre….. », commence Julie.
Marie Séraphine et Émile sourient, l’écoutent et échangent un regard.
Dehors, la folie des hommes, la nature meurtrie, la peur….
Mais bien au chaud, dans la maison blottie tout au bout de la
venelle, sous le vent et la pluie, pour l’instant, pour un moment, c’est tarte aux
pommes !