mercredi 17 septembre 2025

Jeannette

 

 
 George Michel - Le moulin d'Argenteuil - 1830


 - « Allez, ma brave mule, encore un bon effort ! J’aperçois au loin notre but ! »

La jeune fille encourageait sa mule, se réconfortant elle-même aussi ! Elle se sentait bien petite dans ce paysage immense ! Quelle lourde responsabilité que de mener le blé de leur modeste récolte jusqu’au meunier ! De la réussite de sa quête dépendait en partie le sort de toute la maisonnée au prochain hiver !

Il fallait cheminer sans s’apitoyer, ni perdre trop de temps ! Le passeur sur son bac ne les attendrait pas. La plaine pourtant, n’en finissait pas de s’étendre, le chemin ne se lassant pas de faire de multiples détours mais à plat, fort heureusement ! Il n’en irait pas de même la rivière passée ! L’arrivée au moulin se faisait par une grimpette fort raide qui tirait sur les jambes et les pattes lasses !

Jeannette était l’ainée d’une famille de sept autres bouches à nourrir, le père et la mère travaillaient d’arrache-pied à la ferme. Les journées de travail étaient longues. Pour Jeannette, l’école était désormais finie depuis quelques mois. Son avenir désormais semblait tout tracé : aider ses parents à la ferme jusqu’au moment où viendrait l’âge de la marier, au fils d’un voisin, sans doute, assurant ainsi la juste pérennité des choses.

Jeannette avançait toujours, accompagnée de Pâquerette. Ce à quoi pouvait penser Pâquerette, nul ne le saura jamais ! Mais dans la tête de Jeannette, les pensées tournaient et s’agitaient. La maitresse à l’école lui avait dit qu’elle était bonne élève, sage, et intelligente. Elle avait appris avec aisance, savait lire et compter, sans même utiliser le bout des doigts.

Elle savait bien sûr aussi faner les foins, traire la vache et les deux petites biquettes. Coudre et ravauder lui étaient également familiers, tout comme cuire la soupe et les légumes ! Elle faisait tout cela naturellement, sans avoir besoin d’y penser.

Mais cet avenir tout écrit ne lui semblait pas suffisant pour remplir toute une vie, aussi vaste que les cieux au-dessus de sa tête ! Jeannette avait un secret, qu’elle caressait et cajolait ! Cela lui semblait aussi impossible que tout à fait désirable. Jeannette se rêvait maitresse ! Elle s’imaginait très bien sur l’estrade, pointant la règle au tableau pour désigner les lettres une par une !

Pour l’heure, il fallait se hâter encore un peu plus. La rivière était en vue et la file s’allongeait pour prendre le bac ! Jeannette sourit et chuchota au creux de l’oreille patiente de Pâquerette : « Voici Jeannette, votre nouvelle maitresse » ! Pâquerette ne se permit pas le moindre commentaire !

La rivière passée, Jeannette se secoua !

« Baste, folle que je suis ! Fille de campagne je suis née, fille de campagne je resterais ! »

Mais pourtant, les idées continuaient de trotter ! Dimanche, c’était la kermesse au village. On irait en famille, endimanchés et lavés de près. Le maire, le curé, l’instituteur seraient là… Peut-être il y aura un moyen de s’approcher, peut-être !

Réconfortées par cette idée, c’est d’un pas presque léger que Jeannette et Pâquerette firent claquer leurs sabots sur le raidillon qui montait au moulin !

 

mercredi 10 septembre 2025

En garde !

En garde, ma Plume !
Je vous sens ce soir rétive,
Dolente même !
Allons, quoi, me refuserez-vous
Jusqu’au choix de mes mots !
 
Ils se cachent les chenapans,
Et autres plaisantins !
Je les devine pourtant,
Ils ne sont pas si loin
Juste à la marge,
Au début de la ligne !
 
Ah ça, madame,
Je ne goûte guère vos caprices !
Nous étions naguère bonnes amies !

 

En garde, vous-dis-je, et finissons-en !
Voici qu’ils arrivent, en bataillons serrés,
Les incongrus, les étonnants, les inattendus,
Les plus doux aussi,
Assurés bientôt de notre victoire,
Et de nos amours retrouvés !


Faisons la paix et jurons-nous désormais
Amitié, prose ou poésie à volonté !


mercredi 20 août 2025

Intermède

Voile gris uniforme,
Paysage immobile,
La ville se tient tranquille, 

Fraicheur revenue !

Les gouttes tombent !
Inlassablement,
 
Le ciel enfin clément,
Déverse sereinement
Une pluie drue !
Généreuse et bienvenue !

 

dimanche 17 août 2025

La carte

 

La porte se referma doucement. Sur la table, en évidence au milieu des bols du petit déjeuner, une carte dans une enveloppe lavande.
« Chers tous, je vais bien. Aujourd’hui je pars, le temps est venu pour moi de poursuivre ma route. Ne vous inquiétez pas, vous aurez de mes nouvelles, au gré des aléas des services postaux !
Nous avons vécu tant de beaux moments, tristes ou joyeux, difficiles parfois aussi ! Ce n’était pas toujours l’opulence, les gratins de nouilles étaient souvent dépourvus de fromage !
Qu’importe, notre histoire commune s’est écrite vaille que vaille, vous êtes grands maintenant et j’ai besoin de vivre à ma guise. Je ne sais pas où me mèneront mes pas, j’irai au fil des aventures, petites ou grandes. L’air du large m’appelle, il me reste tant de gens à rencontrer, tant de choses et de lieux à découvrir !
Je vous emporte avec moi, vos bouilles sont à jamais dans ma tête, vous êtes une part de moi-même.
Aujourd’hui, je vais bien et je pars ! Soyez heureux, la vie est belle ! »