D’un pas tranquille, il descendit la ruelle, longeant
les quelques maisons qui reprenaient vie. On s’agitait derrière les fenêtres
éclairées de lumières chaudes.
Il poussa la grille en laissant légèrement tinter la
sonnette et traversa la cour. Avant d’y arriver, il savait que le porte ne
serait pas verrouillée. Il toqua pour la forme, mais sans attendre aucune
réponse en retour.
Dans l’entrée, il posa sa veste. Le chat Edgar, étalé
dans sa flaque de soleil sur le sol pavé de la cuisine, daigna à peine frémir
de la moustache pour le saluer, avant de pousser un léger soupir.
Nullement surpris du calme de la maison, il se dirigea
vers le bureau, escorté par une ballade
légère de Chopin. Il entra dans la pièce. Devant la
fenêtre entrouverte, le petit guéridon de bois clair sur lequel les pages du
roman délaissé tournent mollement au gré de la brise légère. Le marque page
comme une ancre.
De la tisanière montent quelques volutes au parfum de
cannelle, les notes enjouées du piano se mêlent aux bruissements plus diffus de
la maison. Plus personne en ces lieux. Il sourit, attrapa un plaid moelleux et
redescendit avant de sortir dans le jardin.
Lorsqu’il arriva près du banc, elle tendit la main et
l’invita d’une voix dans laquelle se devinait son sourire. « Viens,
assieds-toi ». Il posa le châle sur ses épaules, elle se blottit dans ses
bras.
Le ciel était immense, plombé de puissantes nuées
ourlées d’un gris charbon, qui passait par toutes les nuances de violet, tirant
presque au noir parfois. C’était un océan en majesté, une marée mouvante, comme
en surimpression dans la lumière qui baissait.
Puis, vers l’ouest, un rayon timide commença à percer
la bande grise, juste en dessous. A peine perceptible d’abord, il prit
rapidement de la puissance, se parant de jaune et d’orange, comme dans un
dernier sursaut.
Le jardin s’en trouva presque illuminé, le rayon
semblant caresser les buissons, les rosiers et les vieilles pierres, comme une
mère borderait son enfant pour la nuit.
A l’heure bleue, main dans la main, ils se levèrent
alors pour rentrer.