Carotte, le petit renard des neiges est triste, très triste. Ses amis,
Lucie la pie bavarde, et Toudoux, le hérisson tout rond, sont très inquiets
pour lui.
- « Etrange, se disent les deux amis, qu’est-ce qui peut bien causer
autant de chagrin à Carotte ? »
Ils décident d’aller le voir pour l’interroger et le consoler. Lucie la pie
arrive la première et chantonne :
- « Vive le vent, vive le vent, vive le vent d’hiver…. »
Et là, catastrophe, Carotte éclate en sanglots !
- « Eh bien, ça c’est malin, s’exclame Toudoux. Regarde ce que tu as
fait ! Bravo ! »
Lucie lui répond :
- « Je voulais juste lui donner le moral. C’est une jolie chanson de
décembre. Et l’air est très joli et entrainant. »
Toudoux demande à Carotte :
- « Enfin Carotte, que t’arrive-t-il ? Lucie chante comme une
vieille casserole percée, c’est vrai, mais cela ne peut pas te désoler
autant ! »
Lucie dans son dos le regarde de travers et un peu vexée, lui tire – très
discrètement - la langue !
- « Tu n’aimes pas le vent, les chansons, l’hiver, décembre… ?
Souviens-toi pourtant, l’hiver c’est la saison des batailles de boules de
neige, des guirlandes et des cadeaux…. »
Toudoux n’a pas terminé sa phrase que les sanglots de Carotte repartent de
plus belle !
Lucie grogne :
- « Oui, eh bien, certains peuvent bien parler, ils ne font pas mieux que
moi ! Ah bravo, c’est réussi !
Lucie et Toudoux se regardent et posent enfin la question :
- « Alors, Carotte, que se passe-t-il ? Mouche-toi, respire un
grand coup, et dis-nous ! »
Carotte hoquète encore une fois ou deux, cherche son mouchoir, prend une
grande respiration et chuchote :
- « C’est ça, c’est justement ça ! »
- « Sans doute, peut-être, mais encore ? C’est ça ….
quoi ? »
- « C’est Noël, c’est à cause de Noël…. » et les larmes de
Carotte se remettent à couler.
- « Non, non, non, STOP ! » s’écrient Lucie et Toudoux.
"Tu n’aimes pas Noël ? Les cadeaux, la lumière, la neige, le chocolat
tout chaud ? On peut ne pas aimer Noël ?"
Les yeux de Carotte se font plus brillants et un léger sourire apparait. Il
soupire :
- « Oh, si, j’aime bien la neige, le chocolat, les lumières, tout
ça…mais c’est juste que…. »
- « Que….quoi ? » le pressent ses deux amis.
- « Pour Noël, des gens viennent dans la forêt et coupent tous les
sapins !!!! Et moi, j’aime tant ça, les sapins. Je me cache derrière, je
creuse un trou sous leurs branches basses pour m’y abriter et j’écoute le chant
du vent qui passe à leur cime. C’est si beau ! »
- « Oh oui, c’est beau ! », s’écrient d’une même voix Lucie
la pie et Toudoux le hérisson.
- « Et puis, ce n’est pas juste pour les sapins, qui n’ont rien
demandé à personne ! » enchaine Lucie.
- « De toutes façons, c’est trop nul, décrète Toudoux. Ils coupent les
sapins pour avoir des cadeaux en dessous et ensuite ils les jettent au bout de
quelques jours. »
Lucie le reprend :
- « tu as raison, mais on ne dit pas : c’est trop nul, ça
ne se dit trop pas ! »
Carotte se sent un tout petit peu oublié et lève la patte :
- « et heu, comment dire, on fait quoi, les sapins, Noël, tout
ça… ? »
Lucie et Toudoux se regardent, hésitent et cherchent…..
Soudain :
- « Je sais, je sais, je sais…. » s’écrie Toudoux,
- « Tu sais quoi ? »
- « On fait une lettre au Père Noël et on lui explique. Il va
forcément trouver une solution. Je suis sûr qu’il aime les sapins lui
aussi ! »
Les trois amis se mettent tout de suite au travail.
- « Cher Père Noël, cela ne va pas du tout, du tout. Il faut vite que
tu fasses quelque chose ».
- « Voilà, c’est fait, on a fini !», s’exclame Lucie.
Il ne faut pas le dire mais Lucie est parfois un peu étourdie et n’aime pas
trop travailler.
- « N’importe quoi ! lui réponds Carotte. On n’a rien expliqué du
tout ! »
- « Ah ça c’est sûr, confirme Toudoux, rien du tout ! »
Lucie ronchonne pour la forme mais elle accepte de continuer.
- « Alors voilà, Père Noël, tu comprends, les sapins qu’on coupe et
qu’on jette, tout ça, ce n’est plus possible ! Nous, les sapins, on aime
se cacher dessous et les écouter chanter dans le vent. Il faut que tu nous
aides.
PS : On a été drôlement gentils cette année, et si tu pouvais nous
donner aussi des cadeaux par milliers, ce serait drôlement
chouette ! »
Les trois amis n’avaient pas oublié à qui la lettre était adressée !
- « Je vais la poster au village, déclara Carotte, qui avait retrouvé
le sourire. J’irai cette nuit, et personne ne me verra. »
Ce qu’il fit.
Quelques jours passèrent. Les trois amis ne voyaient rien arriver, pas de
lettres, pas d’appels, aucune réponse. Le moral de Carotte recommençait à
baisser, et on entendait parfois « snif, snif, » le soir au fond des
bois.
Lucie la pie s’énervait toute seule et piaillait de colère.
Toudoux le hérisson trottait deci-delà, juste histoire de s’occuper.
Et puis un jour, en se promenant au milieu des sapins, ils les
remarquèrent : une, non deux, puis trois, puis dix, puis vingt, puis
encore bien davantage…
Des affiches, des centaines d’affiches !
Chaque sapin, petit ou grand, était orné d’une grande affiche sur laquelle
on pouvait lire :
- « Attention, attention, capital, essentiel, vital et très très
important ! Ceci est un message du Père Noël à lire très soigneusement. Je
suis allergique à la sève de sapins. J’ai attrapé une Noellite et ne pourrais
donc me rendre dans aucune des maisons en possédant un. Ses habitants n'auront
donc aucun cadeau ! »
- « Trop bien », s’écria Lucie. Et pour une fois, personne ne lui
dit que cela ne se disait trop pas !
- « Vos cadeaux seront déposés dans vos chaussons, au pied du
radiateur. » Le Père Noël avait bien remarqué que tout le monde n’avait
pas de cheminée et ne souhaitait pas forcement que le feu y soit allumé !
PS : je ne suis toujours pas allergique au chocolat
chaud… ! »
On dit que depuis cette année-là, aucun sapin n’a plus été coupé pour Noël
et que trois amis ont été vus souvent en train de jouer à se cacher derrière
leurs troncs ou de chanter en chœur avec le vent qui faisait siffler leurs
aiguilles.
On raconte même que ce fut leur plus beau cadeau de Noël !