Lettre ouverte à un médecin de
province et à tous ceux qui se reconnaîtraient dans ce portrait…
Faisons lui le crédit d’avoir été au
temps jadis où il n’était que jeune homme encore, un médecin plein d’allant et
d’enthousiasme, mû par les nobles paroles du serment d’Hippocrate.
« Dans toutes les maisons où j'entrerai, ce sera pour le soulagement des
malades, me conservant pur de toute iniquité volontaire […] ».
Imagions qu’alors son seul souci
n’était que de voler au secours de l’indigent et du malade sans défense. Quel
noble art et quel beau métier !
Retrouvons le quelques années
plus tard, confortablement installé dans sa bonne petite ville de province, côtoyant
tout ce qu'elle compte de notables et de personnes importantes et
bien-pensantes, engoncées dans leur confortable manteau de certitudes.
Il est toujours médecin mais
passe davantage de temps qu’auparavant en colloques et réunions au milieu de
grands savants de son acabit. Il se fait connaître par quelques écrits autour
de son thème de prédilection. Il est sûr de lui, ne doute pas, cela serait sans
doute par trop dérangeant.
Que diable, il a suffisamment vu
de malades qu’on disait perdus et désorientés se retrouver autonomes et sains
d’esprit par la seule volonté de leur bon docteur !
Quelle plus grande gloire que de
savoir décrypter les vraies volontés, sincères et construites de manière
cartésienne, de ce malade qui tantôt se disait certain de se
trouver dans une secte ou au centre d’un réseau de trafics divers.
Faut-il donc alerter les médias
pour leur faire connaître le témoignage si cartésien et raisonné de ce
malade ?
Ne pouvant croire à une totale
perte de toute conscience professionnelle et humaine, gageons que certains
soirs, après avoir consciencieusement renvoyé chez eux des malades qui n’ont
pas eu la bonne grâce de bien vouloir mourir dans les délais impartis, notre
bon médecin ne dort pas très bien. Souhaitons-le lui, tout du moins, ce serait
là la preuve d’un reste d’humanité.
Quelle triste histoire que celle
de ce preux combattant devenu aujourd’hui un triste comptable de province, ne
trouvant d’autres façons d’étayer son absence d’arguments que par la mise en
cause de la famille proche.
Pour terminer, nous ne pouvons
que souhaiter à ce pauvre homme de se trouver dans quelques années, lorsqu’il
sera vieux et malade, face à l’un de ses semblables. Alors, peut-être se
souviendra-t-il de ces pauvres êtres qui avaient le tort de ne pas rentrer dans
le cadre. Eux seront morts depuis longtemps, dans la solitude et la détresse
requise, alors ces paroles qu’il a pourtant dû réciter un jour lui reviendront
peut-être en tête :
« Je
respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune
discrimination selon leur état ou leurs convictions. J'interviendrai pour les
protéger si elles sont affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité
ou leur dignité ».
Les citations
entre guillemets sont extraites du serment d’Hippocrate, ancienne et nouvelle
version.