Brouillards.
C’est novembre sur le fleuve, puissant, sauvage, aux berges incertaines. Les barques amarrées çà et là, au repos jusqu’au printemps prochain. La pierre blanche taillée des anciennes maisons de mariniers et des grandes demeures, coiffées de leurs toits d’ardoise.
Dans les rues de la petite ville, les badauds pressent le pas, refroidis par l’humidité ambiante de cette fin d’après-midi grise. Les vitrines un peu embuées d’un café projettent leurs lumières dorées sur les trottoirs. On y devine la chaleur, les bruits et les rires des groupes attablés.
Les yeux clairs, un peu vides, penchée en avant, elle marche. Elle marche et observe, avec une attention soutenue par instants, qui attire parfois des regards étonnés. Elle arpente, avec sérieux et application. Il faut marcher, il faut sortir ! Marchons, sortons !
Elle regarde et commente, tourne et retourne aux coins de ces rues qu’elle connaît par cœur. Ce magasin ci va fermer, un autre va s’ouvrir, elle aime bien celui-là, mais l’autre est bizarre, on n’ira pas !
Elle salue des visages croisés au fil des jours, la plupart des inconnus, mais les rencontrer régulièrement a créé une manière de connivence. On se salue, on se reconnait comme autant d’acteurs d’une pièce rejouée chaque jour.
Elle s’assoit, fait une pause sur un banc de la petite place si agréable en été, mais jonchée de feuilles mortes des arbres qui se dénudent en cette fin de saison. Elle regarde l’heure. Non, ce n’est pas encore le moment. Repartir, marcher et marcher encore, regarder et observer, les mêmes vitrines ou d’autres, d’autres visages familiers et anonymes.
L’heure venue, le programme de la journée correctement accompli comme il convient, il sera temps de rentrer, de fermer la porte et de se ranger jusqu’au lendemain.